Les éditeurs doivent rendre accessibles leurs logiciels dans le cloud.
Une migration qui implique de lourds investissements et qui fait peur.
Demain, héberger ses applications sur son PC sera de l’histoire ancienne. Pour ouvrir un logiciel de ventes, un mail, ou enregistrer ses congés, le salarié ira dans son navigateur Internet et cliquera sur un favori. L’entreprise ne prendra plus la peine d’acheter des licences et de payer une maintenance pour entretenir son informatique.
Cette révolution est lente mais déjà en marche. Elle bouleverse la vie des éditeurs de logiciels, qui doivent adapter leurs produits afin de les rendre accessibles dans le cloud, l’informatique délocalisée. On parle alors de « SaaS », pour « software as a service » (logiciel sous forme de service). Or, les éditeurs français ont du mal à prendre le virage. En moyenne, le SaaS aura pesé 10,9 % de leurs recettes dans l’Hexagone en 2014, soit 1,1 milliard d’euros. « Il reste toujours 9,5 milliards d’euros issus de la vente de licences traditionnelles », dit Bruno Van Ryb, président du collège éditeurs du Syntec numérique, la fédération qui représente les professionnels. Sur les 3.000 éditeurs français, « seuls ceux dont les ventes dépassent les 10 à 12 millions d’euros basculent. Or, 90 % des éditeurs ont des revenus inférieurs à 3 millions d’euros », complète le fondateur d’Avanquest. Et si les éditeurs se sont bien portés en 2014, avec une croissance de 2 % de leurs recettes, les situations sont très disparates entre les petits et les gros. Les gisements de croissance étant à aller chercher du côté du SaaS, ceux qui ne se transforment pas pourraient disparaître corps et biens.
Totale remise en cause des modèles économiques
Cette mutation nécessite, en effet, de lourds moyens financiers et une remise en cause totale des modèles économiques. Passer de la vente de licence, où l’éditeur touche d’un coup une grosse somme, à un système d’abonnement, avec un étalement des paiements, implique souvent une baisse de chiffre d’affaires. « Il faut de trois ou quatre ans en moyenne pour revenir au niveau de trésorerie initial », explique Olivier Rafal, expert chez Pierre Audoin Consultants. Entre-temps, l’éditeur doit redévelopper toutes ses gammes de produits. « Pendant un an et demi, nous avons investi entre 29 % et 30 % de notre chiffre d’affaires en recherche et développement, contre 23 % habituellement. En même temps, nous devions assurer la continuité de notre gamme traditionnelle », explique Jean-Marie Zirano, vice-président stratégie produit de Mega International, un éditeur spécialisé dans les logiciels de gouvernance. L’éditeur, qui a réalisé 35,5 millions de chiffre d’affaires en 2013, a pu assumer financièrement.
Autre difficulté : la mise ne place d’une nouvelle grille de tarification. Trop chère, l’éditeur ne vend plus, trop basse, il perd en chiffre d’affaires. « Au départ, les commerciaux avaient peur que les prix soient inadaptés », explique Philippe Nicard, directeur adjoint des opérations Saas de Talentia Software, éditeur spécialisé dans les ressources humaines et la finance.
Enfin, un énorme effort de formation doit être porté sur les commerciaux. Ces derniers, qui doivent désormais vendre de l’abonnement, craignent de voir leur rémunération baisser. L’éditeur doit aussi adapter les modalités de paie au nouveau mode de facturation. « Les plans de commissionnement ont été entièrement revus, afin que les commerciaux atteignent des objectifs à la fois dans les licences et dans le SaaS », précise Philippe Nicard. Tout l’argumentaire de vente et la relation avec le client doivent être revus. Car l’éditeur et le client s’engagent désormais dans une relation de long terme.